JOURNEE DU 3 MAI 2025 EN CAMARGUE
Lorsque le Rhône termine sa course folle depuis les pentes des Alpes suisses puis françaises, avant d’atteindre la Méditerranée, à l’instar des touristes Juilletiste ou Aoûtiens, il ralentit l’allure pour mieux savourer l’approche de l’instant où il pourra plonger dans le Grande Bleue.
Pour mieux embrasser cette Mer tant désirée, il se dédouble en grand et petit Rhône, comme 2 immenses membres qui enlacent leur fiancée.
De cet « abraso » nait une zone humide où la terre plate, sans le moindre relief, se perd au milieu des eaux saumâtres des marais, des canaux, des graus et des étangs : la Camargue. (du latin Campus et Aqua puis Champs et Argue).
Cette zone de 150 000 hectares forme un triangle qui a pour sommet Arles et une base étendue de Fos sur Mer à l’Est au Grau du Roi à l’Ouest.
La Petite Camargue est située à l’Ouest du Petit Rhône, par opposition à la Camargue proprement dite, à l’Est de celui-ci.
Elle est classée comme Parc Naturel Régional et comme Réserve de Biosphère par l’Unesco.
Elle abrite, en effet, une faune et une flore riche et diversifiée. C’est le paradis des oiseaux sédentaires et une halte appréciée des migrateurs.
On y trouve aussi des mammifères comme le ragondin, surnommé le lièvre des marais par Zaza, des tortues d’eau (la cistude) et bien sûr des poissons dans les étangs et les graus.
La bestiole de loin la plus répandue est le moustique et il s’en dénombre plus de 40 espèces. De quoi faire fuir plus d’un touriste et de rendre perplexe les citadins sur l’enracinement des manadiers et des gardians.
Les terres sont exploitées et réparties en grandes propriétés, les Manades, essentiellement orientées sur l’élevage du taureau de la race Camargue.
Cette race est plus légère que sa cousine Andalouse, plus agile et bien adaptée à courir au milieu des marais, des arènes de courses camarguaises et parfois par-dessus les talanquères…..
Pour mener à bien cet élevage, ainsi que les manifestations taurines qui accompagnent les fêtes votives des villages environnants, le manadier s’entoure d’une équipe de gardians, véritables gauchos ou cow boys des marais, la plupart bénévoles et passionnés de leurs traditions.
Tout est codifié dans ce microcosme et cette confrérie !
Depuis le marquis Folco de Baroncelli, la tenue vestimentaire traditionnelle comporte une veste de velours et un pantalon en peau de taupe ….. ???
Pas étonnant qu’on n’en ait pas vu une seule !
La célèbre chemise camarguaise à motif floral bariolée n’est plus à découvrir.
C’est donc dans ce décor naturel et humain que Julien Lemoine a organisé une journée d’immersion des Cissous, en famille, le 3 mai 2025.
Passionné de Camargue, de bouvine et de chevaux depuis l’âge de 14 ans, notre Julien s’y montre aussi à l’aise que sur un terrain de rugby, sa 2ème passion.
Par lien d’amitié, il nous a fait découvrir la Manade LAFON, située près de St Nazaire de Pézan, en petite Camargue.
Pour s’y rendre, notre président Philippe a multiplié les mails, SMS et WhatsApp avec des road books dignes du Paris Dakar, point GPS y compris, pour finir par dire : après Mauguio, direction St Just et quand vous voyez le panneau sur la droite « manade LAFON », vous suivez le chemin goudronné.
Quand le goudron s’arrête, c’est là !
Après un rassemblement matinal des troupes autour d’un café ou d’une bière pour certains, déjà en avance sur le timing de la picole, le départ est donné pour se rendre au milieu des marais pour une ferrade de jeunes bious de 2 ou 3 ans.
Le transport en commun local, réservé aux femmes, enfants et Cissous boiteux ou fainéants, fut plutôt folklorique : Une immense carriole chargée de bottes de paille eu guise de siège, tractée par un énorme …..tracteur !
Les 1 ères classes étaient au centre des bottes de paille, les 2 èmes classes sur les bords et les 3 ème classes, assises à même les bords de la carriole, les jambes pendantes. Avec tous les soubresauts qui ont émaillé le parcours, on se demande comment il est possible qu’on n’ait perdu personne en route !
Les plus vaillants ont suivi à vélo. Mention particulière à Manu CHAPELLE, arrivé à la bourre, qui a rattrapé l’attelage en portant sa compagne sur le porte bagage.
Tout le long du trajet nous avons pu admirer la faune à plume : canards, flamants roses, héron, grue cendrée et même des cygnes.
Le docte ZAZA, gardian lui-même et habitué des lieux, nous indiqua que ces cygnes ne faisaient pas partie de la faune endémique des marais mais qu’ils avaient fuit les Jardins de la Reine à Nîmes, lors de l’inondation du 3 Octobre 1988.
Le lieu de la ferrade est un décor typiquement camarguais : une chaumière des gardians restaurée (ou reconstruite) , les murs blancs immaculés et le toit en sagne , le roseau des marais, borde une grande halle couverte qui sert de salle de réception pouvant accueillir plus de 200 personnes et une arène rustique où les gamins ont immédiatement joué à la corrida .
Christophe BROUSSE, toujours dans le speed, nous rejoint à ce moment là, accompagné de son épouse Ilona.
L’ami Christophe avait dû faire un détour par les Saintes Marie car il arborait une panoplie flambant neuve de camarguais du plus bel effet : Chemise orange à petits motifs typique, ouverte des 3 premiers boutons, ceinture en cuir ornée de plaques de métal en forme de tête de cheval ou de biou….. Il ne manquait que les bottes …… Il est probable que la boutique des Saintes n’avait pas sa pointure !
Après un petit déjeuner solide où le cochon est roi, nous assistons à l’arrivée du troupeau de taureaux, au galop sur le sentier, encadré par une belle compagnie de gardians.
La manade LAFON compte environ 230 taureaux, tous connus par un nom donné par les manadiers .Les plus valeureux, les plus vifs, sont destinés aux courses et leur vedette du moment se nomme DARDAILLON.
Jean LAFON, aujourd’hui âgé de plus de 80 ans a repris la manade de Michel ZUCCARELLI, fondée en 1957.
Actuellement, sa fille IRIS assure le relai mais le père est toujours bien présent.
Imaginez que, le matin même, il assurait un abrivado à St Genies des Mourgues !
IRIS est mariée à Yann, remarquable gardian au teint buriné et, quand il sourit, on retrouve le même rictus que chez notre ZAZA . Hasard de la génétique ??
Leur fils, Gabriel, pré adolescent, est aussi à l’aise à cheval qu’un Cissous sur un tabouret de bar.
Cette famille de passionnés ne peut vivre de la manade. Les revenus générés par les festivités avec abrivado, bandido, encierro et courses ne permettent seulement que de couvrir les frais. Le couple doit exercer une profession à l’extérieur et consacrer le reste du temps à leur cheptel et aux manifestations taurines.
L’escadron de gardians, Julien en tête, vint à la rencontre des convives, lancés au galop à travers les marais, faisant jaillir des gerbes d’eau sur les cotés de chaque cavalier, comme l’étrave d’un navire qui fend la houle.
Il faut reconnaitre que JULIEN à cheval, ça a de la gueule. Le buste droit, la barbe rousse taillée court et l’assiette impeccable. Nous savions qu’il avait un bon coup de fourchette mais pour ce qui est de « l’assiette « ce fut une découverte !
Après ce salut, ils repartirent trier le 1 er veau à marquer au sein du troupeau.
Travail délicat où la connivence entre l’homme et son cheval, mais aussi avec ses partenaires, doit être parfaite pour amener le taurillon au plus près du brasier où rougissent les marques : Un Iris Stylisé dans un ovale, symbole de la manade (Tiens, un iris …) et un chiffre 3 ou 4 pour l’année.
J’ai suggéré que, pour fixer les postes aux Cissous, on profite de l’occase pour marquer un pilier droit et un 2 ème ligne mais je n’ai pas trouvé de titulaire volontaire.
Le jeune biou fut maitrisé par un gamin à peine sorti de l’adolescence, sautant de son cheval en pleine course sur la tête de l’animal, au beau milieu d’une flaque, et le couchant sur le flanc pour lui lier les pattes.
Comme dans les westerns, avec des protagonistes plus jeunes.
Le 1 er taurillon a été marqué par Philippe, le Président, comme s’il avait fait ça toute sa vie. A croire que graver les pare brises des bagnoles, maquiller les plaques d’immatriculation ou cramer la cuisse d’une bestiole, c’est du pareil au même !
Cela a quand même ému le fils de Christophe GUIRAUD mais son père, en sage référent, lui expliqua que la peau de l’animal est très épaisse et que le meuglement n’était dû qu’à l’effet de surprise …..Tu parles d’une surprise !
Une fois le 1 er relâché, le tri de 2 ème fut plus délicat car il faillit échapper à la meute des cavaliers, sans doute devinant ce qui allait suivre ….
Jean Claude PONT motive alors les Cissous pour aider à maintenir le taurillon et Philippe LAPASSET, en bras de chemise et canotier sur le crâne, se porte volontaire. Il attrape l’animal par la queue et le maintient fermement.
Hélas, peut être est-ce le stress ou alors une herbe indigeste, notre jeune biou se laisse aller dans une magistrale cagagne, à 20 cm des mains de notre ami.
Mais notre Philippe en a vu d’autre et reste accroché au bout de queue encore propre. « Quand c’est la merde, dans la police, il faut savoir tenir son poste et rester les mains propres ! » Déformation professionnelle…. Salutaire dans le cas présent !
Après le marquage du 2 ème taurillon, les invités reprennent le même moyen de transport pour retourner à la maison de nos hôtes.
Plusieurs passagers en profitent pour changer de classe ….
Vint l’heure de l’apéritif, bien mérité sous le soleil.
Ricard, vin blanc, vin rouge, Chips, olives et moules ….. simple et efficace !
Du classique !
Le repas, servi dans une grande salle, à l’heure espagnole, fut là aussi simple mais typique. Après une salade composée, l’inévitable gardianne de taureau reçut un franc succès. Et, après le fromage, l’incontournable fougasse d’Aigues Mortes fut au diapason.
Après le café, une forte colonie se pressait au bar pour un digestif bien connu des Cissous : Get ou Limoncello. Une petite troupe pris l’option pétanque où, parait il, des points au salabre ont été marqués …..
La discussion au bar se prolongea jusqu’à une heure avancée du jour, tandis que petit à petit chacun regagnait son domicile.
Cette journée en famille a permis aux membres du club et leurs épouses de se découvrir et peut être nouer des affinités nouvelles.
Mais l’essentiel était la découverte d’une confrérie, les gardians, d’un métier, d’une passion et d’un cadre préservé.
Pour tout cela, un grand merci à notre Cissous Camarguais Julien.
Et vous savez quoi ? PAS UN MOUSTIQUE CE JOUR LA !!!!!!
Sacré organisateur que ce Julien !